Léo Ferré - Et... Basta ! paroles de (lyrics)

[Léo Ferré - Et... Basta ! paroles de lyrics]

Quand j'emprunte des paradoxes
Je les rends avec intérêts
J'enrichis mes prêteurs qui deviennent
Alors plus intelligents
Le taux usuraire de l'astuce
N'est jamais assez élevé
Je ne sais pas d'où je viens mais je
Sais que je suis là, à reverdir
Dans cette campagne toscane
Les rossignols teints au Gargyl
Chantaient des aubades pharmaceutiques
J'ai les cheveux trop longs
Comme des voiles de
Thonier, mes beaux cheveux qu'on
M'a toujours taillés
Mes beaux cheveux longs dans ma tête
Dans la rue, on se retourne
Moi, je leur tire la langue!

Ô belles pattes des fourrures
Chapeau du vent de ces madames
Inquiétude de la parure
Toiles de soie, vers vous je rame

Je sais des paradis tranquilles où
Les anges n'ont pas
De vin à boire mais des orages de raison
Des violettes de reverdie
Je sais des paradis tragiques où les
Fauteuils d'orchestre n'ont pas de mémoire
Où les roses ne fleurissent que par osmose
Et encore où les passions sont d'un autre
Ordre et les mirages
D'une autre qualité et de
La nuit pourtant venus
Je sais des paradis-bordels où
L'on me fait signe

Où l'on se signe
Où l'on me désigne pour la bonté des
Mains tendues et des bouches capitales
Comme au petit matin tchac!

Je sais des paradis naturels où le
Mauve tient lieu de drogue
Où l'on peut passer du mauve à la frontière
Je sais des paradis câlins avec la barbe
De deux jours et des saints sans foi ni loi
Sans feu ni eau
Avec simplement une ceinture d'émigrant

J'émigrerai quelque jour vers vos pays cachés
Et ne reviendrai plus regardez-moi
Passants de rien, poules de luxe
Fleurs incroyables

Regardez-moi
Je suis un migratoire, un migratoire
Je suis un vieux corbeau qui
Court après une charogne
Comme un chien de course après le leurre
Je suis un vieux corbeau de la plaine
Où je vais m'englânant
Des trucs dégueulasses
De vieilles graines d'homme qu'on
A trop employées
Je suis un vieux corbeau qui
Court après une corbeaute
Je croasse comme on peut croasser quand on
Est un vieil oiseau de cinquante-sept piges

Je tiens que le désespoir des
Ordures est une incompétence
Biologique à pouvoir en sortir
Un jour ou l'autre, coûte que coûte
Quand la merde déborde
C'est encore de la merde

À ce moment-là, je connaissais une
Chanteuse vous la connaîtriez aussi
C'est facile

Une chanteuse qui a le derrière sur la
Figure, ça vaut la carte d'identité, non?
Et puis, Madame Lechose, taulière
Blonde, un peu grasse, un peu
Taulière à L'Escalier de Moïse, où il
Y avait de tout, du Fernand
Du Ferré qui chantait au piano, avec
Son chien et ses grimaces
Et son petit cachet - Dis donc, Léo
Ça ne te gêne pas de gagner
De l'argent avec tes idées?
- Non ça ne me gênait pas non plus de
N'en pas gagner avec mes
Idées, toujours les mêmes
Il y a quelques années
Vois tu, la différence qu'il y a entre
Moi et Monsieur Ford ou Monsieur Fiat
C'est que Ford ou Fiat envoient
Des ouvriers dans des
Usines et qu'ils font de l'argent avec eux
Moi, j'envoie mes idées dans la
Rue et je fais
De l'argent avec elles ça te gêne? Moi
Non! Et voilà!

Madame Lechose, un peu blonde, un peu
Je la regardais, des fois, en chantant
Juste en
Face de moi, qui n'en perdait pas une, qui
N'en perdait pas une de ses fiches, et le
Whisky tant, et le gin-fizz tant et tant
Et le citron pressé tant
Et mon citron pressé?
La Mère Lechose, un peu
Blonde, un peu grasse, toujours
À l'heure, comme les vrais
Artistes, ceux qui travaillent
Et comme ceux qui font travailler
Les artistes je faisais
La salle jamais les clients arkel, mon chien
Venait me chercher après le Flamenco de Paris
C'est tout ce que j'ai eu
De vraiment espagnol à
Ce moment-là ce devait être un chien exilé

Je rentrais chaque nuit avec le
Chien dans le désert Paris, dans
Cette brume des garages où reste
Un peu, le soir
Après que les voitures soient passées
De cette odeur des temps
Modernes qui vous remonte du
Fond de votre carter
Portant le deuil des foins brûlés je rentrais
Chaque nuit dans le désert Paris

Les putains ne m'accrochaient
Jamais elles savaient
Que j'étais un homme public, elles
Les filles publiques
- Alors, comme ça, on se prostitue, Ferré!
Je rentrais chaque nuit dans cette
Maison douce où gouttait l'eau
Du robinet, dans cette cuisine un
Peu salle de bains, avec sa cuvette

Je vivais à ce moment-là avec une femme assez
Longtemps avec aussi des problèmes de mouise
D'attentes au bout d'un téléphone
Qui ne sonnait jamais
Le téléphone, quand il sonne trop souvent
On s'arrange pour faire répondre qu'on est
Là ou qu'on n'y est pas
Les importuns ne croient jamais ainsi
Qu'ils vous importunent et vous
Êtes tranquille on ne peut
Pas être plus sociabilisé, pas vrai?

Et puis, les commissions, le dentiste
Les droit's d'auteur
Minces, minces quand on travaille
Comme on veut, on touche comme on peut
J'allais chercher les sous moi-même
Toujours moins de cent mille balles
Pas de chèque, et vite un restaurant dans
Un bon quartier et puis et puis
Les souvenirs s'entassent le mariage vous
Mine petit à petit
On est fidèle parce que c'est l'usage
Et les années s'entassent aussi
Les souvenirs, d'ailleurs, c'est du présent
Discutable on est hier, toujours
Moi, je vivais demain et
Ça fabriquait les malentendus
Un artiste vit toujours demain
Sinon il est fait pour l'usine
À l'usine, le présent, c'est un
Cadeau quotidien, incessant, fatigant
Dégueulasse

On peut te congédier, alors tu prends des
Dispositions particulières pour
Ne gueuler qu'en connaissance de
Cause et dans le silence revenu
Des retours à la maison
À la table de travail
Devant la page blanche
L'artiste n'est pas là
Il vit là bas, loin de tout
Du téléphone, de sa compagne
De ses problèmes
La solitude est une affaire d'ordinateur moi
Je me perfore loin des imbéciles
Et du propos courant
On me hait je m'en fous je
Suis un autre mec voilà

Ni dieu, ni maître, ni femme
Ni rien, ni moi, ni eux et Basta!

Il y a l'amour peut-être c'est une solution
Une solution à un problème qui
Reste un problème Alors rien
Une solution un problème par quoi commencer?
On donne et on te prend celui
Qui prend a l'impression qu'il donne
Arrange-toi avec ça, si tu peux il y
A, derrière les yeux des gens
Une cité privée où
N'entre personne une cité avec
Tout le confort d'imagination
Possible les gens que tu vois chez toi
Sont d'abord chez eux ils ne te voient pas
Ils se singularisent dans l'immédiate
Et toujours constante défense
De soi ils ont peur ils sont terribles
Les gens ceux que tu appelles tes amis
Ce sont d'abord des gens remplis du
Moi qui les tient en laisse
L'homme est un "self made dog"
Mais il parle au centre du
Monde, et le monde, c'est lui
Il transpire, il a une queue
Mais ne sourit pas avec
Comme le chien c'est tout et c'est trop
L'amitié, c'est comme le ciment armé:
On ne sait pas comment
Ça vieillit j'aime les vieilles pierres
Elles ne transpirent pas

Ni dieu, ni maître, ni femme, ni
Amis, ni rien, ni moi, ni eux et Basta!

"L'Écluse" fin 49 drôles de mariniers
Sur ces quais néon'cifs!
J'étais le pianiste et le
Chanteur cette " écluse
" où ma galère échoua, un soir
Entre barbarie et une inconnue de Londres
Et deux romances à
Goémons, avec une guitare et un gitan
Égarés là allez donc savoir
Et ce taulier, qui me lucarnait derrière son
Zoom, un zoom qu'il vous plantait là, sur
Le front, jamais en face, jamais dans votre
Zoom à vous, toujours un peu au-dessus
Comme s'il regardait l'ineffable
C'est pas mal, un particulier
Qui sue du goulot
Qui transpire de l'en-dedans
Rien ne sort jamais un lavatory, quoi!
Qui garde tout, qui transmet
Qui assume sa condition de réceptacle
L'âme de certains individus
M'empêchera toujours de
Croire tout à fait en Dieu
J'ai oublié son nom il y a
Une chance pour les mauvais souvenirs
- Eh! Ferré! Bonjour, tu
Te rappelles? C'est moi, l'ordure
- Qui ça? Ordure? Tiens
Il y en a encore dans le siècle?

Je vous demande excuse, Monsieur je
Ne connais, quant à moi, que des anges

Ni dieu, ni maître, ni anges
Ni rien et Basta!

Il faudra que je change de
Support écrire sur des
Champs de luzerne, sur des
Biffetons "Banque de France"
Des faux, sur le ventre de certaines girls in
Magazines en tournant la page
On pourra voir, juste en dessous
Les girls, ça se regarde ou ça
S'invente en dessous de trente ans
C'est plus lisse, et c'est, des fois
Encore un peu môme après
Ça se froisse et on les jette
Il faudra que je change de support le papier
Y en a marre!
De ce papier-xylo qui fait grincer
Gémir les arbres que je porte en moi
Quand on scie un arbre
J'ai mal à la jambe et à la
Littérature quelle horreur
La parlote! Écrire
Partout, à l'envers de toi, sur
Ton cœur, sur ma loi, dans mon froc
Lorsque tu me regardes précisément
Et que je te dis que je suis dingue de toi
Pour te faire couler ton printemps court
Cours, cours, petite, n'oublie pas
Sur mon cahier quadrillé
C'est la misère j'essaie
De mettre au carreau mes ailes
Mon job rien à glander today
Au club des métaphores
Il faut que ma plume feutrée
Ma petite japonaise glissante et noire soit
Serve d'une certaine rigueur de gueulante
Le drapeau noir, c'est encore un drapeau!
Il faudrait que je leur lance
Un Manifeste de la Méthode
Quelque chose de concret
Du style genre polyester qui aurait l'air de
Ne pas moisir dans les gothiques
Et qui psalmodierait tranquillement
Des lamentations tocs
Devant le Mur des Fédérés
Sur ma fenêtre, je pourrais mettre
Un vieux chiffon rouge
Histoire de bien signifier mes origines des
Tambours aussi
Et des crécelles à couvrir de leurs
Criasseries les millions de
Chevaux Paris, Milan
New York and so and so on
Au large, hommes tergaliens, boys d'alpaga
Filles jeanisées au maxi
Avec vos clous dessinant les
Orages du Guevara
Le Che crevé, crucifié, pourri déjà
Même sur vos images
Dépoitraillez-vous, Hommes, s'il en reste
Et venez vous
Chauffer au bain marie de ma métaphore
Celle qui appelle chat une amphore et
Gouttière un vieux thème serbo-croate
Au large! Monocloez-vous l'œil de rechange
Et changez de basse-cour
Fuyez vers les tramontanes d'Éros
Puisez dans
Les accordéons des rythmiques plus sûres
Vers les caniveaux
Plongez-y en lune à becs frisants vous y
Verrez peut-être une gorgée de solitude
Quand je me regardais, en ces temps, au ras
Du trotte madame, la Neuille, des fois
Une image reflétée me donnait
La solution du style
Ma méthode est simple: Mettez-vous à coucou
Place de la Bastille et
Prenez-vous pour un serpentaire
Vous verrez alors qu'il n'y a plus de
Métaphore possible quand on se dénature
Quand on se désanalyse, quand on s'antidate
Et qu'on s'insectise, quand, mouche devenue
Pour prendre le quart dans un hôtel
Fameux où la passe est
Sanguine ou à Bidon's City
Vous pourrez sentir s'exhaler
La queen, et la vrombir, et la gémir, et la
Voir même prendre son pied
À certaines désinences alors, vous
Aurez accompli la mutation que
J'attends de vous
Mouches vertes des prairies du double
Je vous ai créées

Je dirigeais alors des fantômes bon marché
Des que j'achetais dans des économats
Spécialisés en bizarreries
En relativisme du tout venant
J'avais une carte qu'on me tamponnait à
Chaque coup l'employé me disait:
- Alors, ça biche
Ferré? Vous en prenez pour votre pognon?

Un réverbère propre à décrypter les
Étymologies les plus perverses
Un chandelier en robe du soir
Un réveille la-Mort des fois
Qu'on oublierait de s'actualiser
Un canevas dernier modèle pour
Tricoter de l'affection technicolor
Des ciseaux pour tailler dans le
Vif du sujet même
Si le sujet ne colle pas à la syntaxe
Des hôtels barbelés au travers desquels
Je pisserais quand même
Des mômes à comètes et à cendriers portables
Histoire d'être confortable au risque de
Payer de leur vie
Des vies punies de vide et de tambours
Voilés frappant tout doux
Ta résurrection journalière

Quand je dors
Je suis mort sans bière uniquement avec du
Coca sur la table de chevet
Je lis des sons particuliers
Quand Ludwig sanglote
Doucement les bras tendus vers la Neuvième

Les épices m'ont toujours brûlé le charme
J'ai du slave qui se balade quelque
Part entre peau et jactance
La mer, chez moi, dans la rue
Cela m'était facile
Je l'appelais, elle arrivait:
Le flot bouillonnant, au ras de chaussée

L'eau, cette glace non posée
Cet immeuble, cette mouvance
Cette procédure mouillée
Me fait comme un rat sa cadence
Me dit de rester dans le clan
À mâchonner les reverdures
Sous les neiges de ce printemps
À faire au froid bonne mesure
Et que ferais-je, nom de Dieu?
Sinon des pull-overs de peine
Sinon de l'abstrait à mes yeux
Comme lorsque je rentre en scène
Sous les casseroles de toc
Sous les perroquets sous les caches
Avec du mauve plein le froc
Et la vie louche sous les taches

La mémoire et la mer

Ton corps est comme un vase clos
J'y pressens parfois une jarre
Comme engloutie au fond des eaux
Et qui attend des nageurs rares
Tes bijoux, ton blé, ton vouloir
Le plan de tes folles prairies
Mes chevaux qui viennent te voir
Au fond des mers quand tu les pries
Mon organe qui fait ta voix
Mon pardessus sur ta bronchite
Mon alphabet pour que tu croies
Que je suis là quand tu me quittes

La mémoire et la mer

Cette mer cavaleuse, propre, cynique
Ce toit tranquille
Comme disait l'autre ce drame mouvant
Comme un outrage de la
Nature, quand j'y plonge, de
Mémoire, je m'y perds
Et moi, et mon courage, et ma passion
Et ma musique

Le vent, y aidant, n'a qu'à bien se tenir
Il se prosterne, ce vent filou des bises
Des frilures
Soixante huit, soixante huit, soixante huit!
Noblesse du calendrier

Je ne vais tout de même pas te
Raconter comment et pourquoi
J'écris des chansons, non? C'est comme ça!
Ma main sur le clavier de
Mon piano est reliée
À un fil et ça marche je suis "dicté"
J'ai un magnétophone dans le désespoir
Qui me ronge et
Qui tourne et qui tourne et qui n'arrête pas

Alors je copie cette voix qui
M'arrive de là bas
Je ne sais, qui m'arrive, en tout cas
Et je la reconnais chaque fois ça fait
Comme un déclic et ça se déclenche
Je suis le porte parole d'un
Monde perdu, présent pour moi
D'un monde auquel vous n'avez
Pas entrée parce que
Si tu y entres, dans ce monde, tu perds pied
Et deviens inédit ton foie
Tes poumons, ton sexe, tout ça est à toi
Ta tête, non si tu es fou
Alors viens dans mes bras je t'aime!

Soixante huit, Soixante huit, Soixante huit
Soixante huit!

Il y a des chiffres qui me font mal à
Mon dicteur soixante huit il
S'en fout mon dicteur
Il le connaît ce chiffre il l'a fait
Comme on fait une partie de cartes
Les cartes, aujourd'hui
Sont mêlées il n'y a plus rien
Qu'une certaine forme de
Dictature sentimentale
Qui vous arrange et vous endort
Pendant que les autres veillent
Vous êtes vraiment des cons et des
Malheureux ou bien alors, crève, paysan
Crève et passe de l'autre côté de la rue
Avec tes dieux, avec tes maîtres
Avec tes pantoufles et tes clopes

Soixante huit, soixante huit, soixante
Huit, soixante huit, madame la Misère
"Misère" c'était le nom de ma chienne
Qui n'avait que trois pattes
Ton style, c'est ton cul
Et oui quand il a du style! Ça ne dure pas
Longtemps un cul, ça ne se met pas
Au musée des Offices un cul
Ça se renfrogne et ça se cache un jour ou
L'autre plutôt un jour que
L'autre quelle connerie!

Ni dieu, ni maître, ni toi, ni eux, ni cul
Ni rien

Soixante huit, soixante-treize, non-stop!

Je suis d'un autre monde et tu le savais bien
Ô toi qui tant et tant
Me regardais et m'écoutais
Tu m'apportes le fait d'un instant de malheur
Je drisse tout à coup avec ma peine en l'air
Vas-y, petit
Les oiseaux s'en vont de côté cet hiver

Soixante huit, soixante-treize, non-stop!

La vie d'artiste c'est dur de ne pas être
Hein? Il y avait vraiment de quoi
Ça a commencé pour rien, en trombe
Rue des Écoles et à la Maube understand?
Les drapeaux noirs et les aminches et l'été
Soixante hui et puis les anarchistes où ça?
Les purées de Nanterre et la purée des anges
Tu l'envoies, ta purée?
Je signe dès ce jour avec mon double crème
Je vivais dans l'ardeur de notre connerie
La très haute, la très grande
Et je suis seul ce soir
Devant le ciel brouillé
Non-stop avec des bulles dans ma tête
C'est difficile à raconter ce
Genre de bulles, même pas au neuro
Vous n'avez rien compris ni toi
Ni lui, ni eux, ni rien
Understand?
Quand je pense que je pensais à vous
Comme à une épure de chantoung cette soie
Je la pressens toujours comme un destin pavé
Vous étiez de cette intelligence sûre
Et qui se connaît bien
Et qui drague la nuit les grands auteurs
Pour être sûre d'être orthodoxe
Les mains ah! les mains ça me fait peur
Ces mains tendues et
Renfrognées et biaiseuses
Vous aviez les mains gercées de rancœur
De cette rancœur qu'on
Promène tranquillement
Sans rien devoir à personne
Avec ces fautes de parler et de
Syntaxe qui me sont devenues insupportables
Et puis cette culture qui
Débordait de vos calepins oublie donc
Camarade oublie les soirs épais
Comme l'encre de Chine
Oublie les yeux drivés par le regard là bas
Drive-toi pénardement dans les
Horribles banlieues où tout est bien
Où l'avenir est aux pointés pointeurs
Arrache-toi doucement à la musique
D'acier de ce Paris
Qui vous manque dès que vous le déjugez
Vous n'êtes que des Parisiens, des Parisiens!

Soixante huit, soixante-treize, non-stop!

Le grand drame des solitaires
C'est qu'ils s'arrangent toujours pour
Ne pas être seuls je l'ai dit
Je l'ai écrit je le redis
Je le réécris
Maintenant je fais gaffe je paie
Des gens pour les
Besognes élémentaires et ne mange
Plus avec eux j'ai gardé ma première facture
De restaurant où
J'ai mangé tout seul cet été
Je l'ai mise sous verre et
La montre à mon fils
Qui a trois ans et trois mois je la lui
Montre tous les jours c'est la
Gravure de mon soixante huit
À moi on a les soixante huit qu'on peut!
Quand les gens se mettent à avoir
Une comptabilité derrière les yeux
Ils deviennent des comptables!

Qu'est-ce que je fais ici, à cette heure
Attendant je ne sais
Quelle sonnerie de téléphone, me rendant
Une voix, quelque part, quelque chose
De fraternel, d'insoumis, de propre, de
Comme ça pour le plaisir, de
Rien, de larmes j'en ai trop
En veux tu? De quoi, enfin? Penses tu!
Le silence, lui, ne téléphone jamais
Et c'est bien comme ça, c'est bien
La vie ne tient qu'à un
Petit vaisseau dans le cerveau
Qui peut déconner à
N'importe quel moment, quand tu fais l'amour
Quand tu divagues, quand tu t'emmerdes
Quand tu te demandes pourquoi tu t'emmerdes
Il faudra que je prenne un
Jour quelque distance et
Dire à qui voudra mon style de pensée
Et de vie et de mort et je m'en
Monterai doucement du fond de l'an dix mille

Je suis le vieux carter d'une Hispano Suiza
Une première femme: six ans
De collage administratif
Une deuxième femme: dix huit
Ans de collage administratif
Elles ne me voient plus
Que publiquement, elles savent
Elles me connaissent
Moi je ne les vois plus publiquement
Si je les rencontre, alors alors
Les rides, ça s'apprend petit à petit je sais
La vieillesse, c'est une façon de coup de
Poing dans la gueule
Au-dessus de trente ans
Allez allez vous faire foutre!
Moi, j'ai cent mille ans c'est
Pas pareil je suis
Un mort en instance et je vous regarde
On se demande ce qu'on fout
À se multiplier par deux
Deux cœurs, deux foies
Quatre reins je suis seul et
Je pisse quand même
Le couple? Voilà l'ennemi!
Je t'aimais bien, tu sais

Les souvenirs s'empaquettent négativement
La mémoire négative, c'est une façon
De se rappeler à l'envers
C'est plus commode
Les ombres passent, un peu grisées
On pense à des gravures pleines de roussures
Sans grand talent qui dépasse
De l'encre rapportée
Les souvenirs n'ont pas de talent
Ils végètent dans un coin du
Cerveau, un amas cellulaire qui s'ennuie
Et qui perd sa charge, comme une batterie
La matrice nourricière? Il y a
Urgence! Le piment, le vrai
C'est celui qu'on rajoute
Une femme inventée ne
Déçoit jamais seulement
Il faut tout le temps en changer
L'invention permanente, tout, les
Dentelles, le savoir
Tout en dedans du dedans
L'érotisme, c'est vraiment dans la tête
Et puis, pas tellement que ça
Une jupe, un cul de hasard et le reste
Les collants c'est de la pure imprécation
J'ai besoin de les arracher
Ces cuirasses fileuses
La femme en collant peut partir à la guerre
Comme au Moyen-Âge

Quelle horreur
Quelle défense d'entrer dans le
Jardin avec des fleurs
Mener un train d'enfer à une pépée
Maxi, le long du fleuve
Une pépée tout encerclée d'idées reçues
Et pas moyen de lui griffer
La chatte! C'est vraiment dégueulasse
La moralité publique!
L'enfer? Une façon de voir et
De se laisser voyant

Ni dieu, ni maître, ni éros, ni collant

Des bas oui
Des bas avec un peu de cette blancheur
Qui tend à une géométrie particulière
Un peu de cette blancheur des fois tirée vers
Le malheur et puis l'angoisse du déjà vu
Du déjà pris je sais de toute éternité que
Tu n'es pas à moi
Rien n'est à moi que l'illusion
Et encore! Je l'invente tellement
Cette illusion
Quand je la rencontre, l'illusion
Elle m'est déjà ancienne et chiffonnée
Salut! ma petite camarade, salut!

Mes illusions, je les arrange
Quand je n'ai pas envie de
Leur parler et de leur
Dire qu'elles ne sont là que
Parce que c'est l'usage
Elles deviennent mes souvenirs controuvés
Le moulin de Pescia le papier
L'odeur ce type empaqueteur
Cette machine à pointer, en bas
Ce soleil de mars et cette brume en
Préface à la belle journée se préparant
Se fardant de nuages discrets et prometteurs
De belles coulées de ciel
Dans ce bleu d'aventure et changeant
Comme change ta vie à
Chaque instant, à chaque millième de seconde
Toi vieillissant au
Fil de moi maintenant que je pense à toi
T'écrivant, te dictant
T'improvisant aussi comme une
Musique de messe
Noire, ce péage avec ce mec au mois
Qui s'en fout caron d'un macadam déroutant
Compteur du trouble et de l'ennui
Ces accidents abstrait's que je m'invente au
Hasard des cent cinquante à l'heure
Ce retour dans le bleu et cette façon de ne
Pas être dans le siècle tout en y roulant
Cette descente vers les chiens
Et leurs paroles rassemblées
Cette pintade mise en route et
Mes fureurs de cuisinier sentant
Mouiller la casserole et s'attacher
À un désespoir ailé
À des oiseaux traqués dans des caisses avides
Et tout ce néant de la merde
Qui monte à mes babines
Ce code pénal particulier qu'on devrait
Pouvoir lire en petites
Notes en bas de page du livre des recettes
Cette soirée après les autres
Cette machine qui tant et tant dactylographe
Ces cris perdus quelque part
Et que je n'entends
Pas et qui retrouvent un cœur saignant
Ce pain de seigle qui s'éternise sous
La dent dure du couteau-scie
Les choses manufacturées qui
Souffrent à travers
Celui qui les a machinées
Et ces choses qui souffrent dans l'idée
De celui qui les regarde
Ce piano, ma maison ancienne, anciennement la
Mienne, et cette humide honte, les touches
Qui s'étaient décollées et des larmes qui
Me venaient d'un chagrin de Czerny
De Debussy aussi
Cette horrible aventure qui a désossé mon
Piano en attendant qu'on nous
Le coupe en deux pour en
Avoir son dû la moitié
Mais la moitié de la musique? La moitié de
Ma tête? La moitié du sentiment banni?
Le code civil distribué en bandes
Dessinées aux imbéciles inadaptés
Ce parfum de la nuit comme une pièce
De piano de Debussy jouée par Gieseking
Cette passion de passionner tout ce qui
Se passe autour de moi les loups promis
Les gufi
Les araignées dessinées avec leur toile
Sur ce gadget tire-lire
Avec son cadavre peint en vert et qui salue
Cette envie de passer vite
Très vite et puis quand même m'attarder
Sur le bestiaire de ma mie
La source et le cloaque
Ça dépend du contexte
Les chiens, c'est comme les gens: avec un os
Ça grogne!

Ni dieu, ni maître, ni mie
Ni bestiaire, ni gens, ni os

La solitude est une configuration
Particulière du mec: une
Large tache d'ombre pour un soleil littéraire
La solitude c'est encore de l'imagination
C'est le bruit d'une machine à écrire
J'aimerais autant écrire sur des oiseaux
Chantant dans les matins d'hiver
J'ai rendez-vous avec les fantômes
De la merde
Les jours de fête, je les maudis
Cette façon de
Sucre d'orge donné à sucer aux pauvres gens
Et qui sont d'accord avec ça
Et on retournera lundi pointer
Je vois des oranges dans ce
Ciel d'hiver à peine levé
Le soleil, quand ça se lève
Ça ne fait même pas de bruit
En descendant de son lit
Ça ne va pas à son bureau, ni traîner
Faubourg Saint-Honoré et quand ça y traîne
Dans le
Faubourg, tout le monde s'en rengorge
Tu parles! Ni rien
De ces choses banales que les hommes font
Qu'ils soient de la haute
Ou qu'ils croupissent dans
Le syndicat le soleil, quand ça se lève
Ça fait drôlement chier les gens qui
Se couchent tôt le matin
Quant à ceux qui se lèvent, ils
Portent leur soleil avec eux
Dans leur transistor
Le chien dort sous ma machine
À écrire son soleil, c'est moi
Son soleil ne se couche jamais alors
Il ne dort que d'un œil
C'est pour ça que les loups crient à
La lune ils se trompent de jour
Les plantes? Les putes? Les voitures?
Cette voiture aussi qui débordait c'était
Terrible qu'est-ce qu'on riait!
Et je rêve aujourd'hui
D'une voiture monoplace
Et ce bois de chauffage qui s'est gelé
Des tas d'hivers en attendant mon incendie
Je vous apporterai des animaux sauvés
L'innocence leur dégoulinant des babines
Ou de leurs yeux
Je mangerai avec eux, de tout, de rien
Je boirai avec eux le coup
De l'amitié et puis
Partirai seul vers un pays
Barré aux importuns presque tous
Je suis un oiseau de la
Nuit qui mange des souris
Je suis un bateau éventré par un hibou-Boeing
Je suis un pétrolier
Pétroleur de guirlandes et de marée plutôt
Noire comme mes habit's, et
Un peu rouge aussi, comme mon cœur
J'aime la multitude, la multitude
Les chiens, les hiboux
Les horreurs! La multitude, les
Chiens, les hiboux, les horreurs!

Soixante huit, soixante-treize, non-stop!

Dans la cité
Il y a la fête allez-y je t'invite à y boire
À mon malheur, à mes cheveux, à mes parents
À mes avions-hiboux
Comme en sept cent quarante-sept
En sept cent quarante-sept, je vous le dis
Tous ces rampants iront brouter du fil coutil
Des ténèbres et du sang mijoté
Dans des endroit's particuliers
Dans des endroit's comme à la
Gauche du sacripant don't vous
Avez décidé que je sois
Le souteneur patenté, indécis
Frivole et centenaire
Les comptes à rendre ne sont jamais à prendre
Je vous rends des comptes que
Je n'ai jamais eus
Que vous m'avez comptés, dûment, précisément
Les équations sur le grand huit de der
Ça me fait bien rigoler
Cette chanson qui tant et tant me désespère
Et que je ne vous chanterai jamais
Je n'ai plus de voix pour vous, plus, plus
Plus!

Soixante huit, soixante-treize, non-stop!

Comme un voilier dans les
Descentes vers le Sud
En autoroute et des voiliers roulants
Foutez-m'en vingt litres, camarade!
Je descends à la proche banlieue
Celle qui se défait vers le quinzième
You see? Cette banlieue de mes défaites
Et de votre vertu, camarades
Allez-y, le sang n'est plus de une
Le sang des réverbères gauchisants
Dans les aciers de cet Orly où je m'envole
Vers où? Devine!
Je sais des vagabonds pleins de
Sous de sonnaille et
Qui sonnent dans les soirs tristes de Paris
Quand je m'envole et quand tu
Assassines ce petit enfant
Cet enfant du malheur auquel
Je fais des signes et puis qui me regarde
Me mirant dans l'eau verte de ses beaux yeux
Ah, la passion des clairs
Obscurs sur les minuit's
Quand nous allions vers les mirages
Et les bifs de carême!
Je suis perhaps, perhaps, peut-être Magari
Et toi, et lui, et vous, et elle
Elles elles ont toutes une cicatrice
Qui nous fait des blessures
Elles ont toutes un entre-deux
Sur lequel je dégueule partons, partons!
Soixante huit, cette marée rouge et moirée
Le dix comme un chiffre soumis
Le dix du mois de mai de
Cet an de soixante et huit
Non-stop au carrefour t'es dingue et
Je poursuis une comète
Non-stop oh, la tendresse de
Ces soirs inventés
De ces soirs sans heure, sans compagne
Dans le siècle un peu puant d'étoiles
Non-stop sur une bulle comme
Une idée poignante
J'ai l'invention qu'il faut pour me
Tirer de vos outrages
L'outrage le plus absolu est cette poignée de
Main avec dans l'idée une potence
Et le sourire, le sourire, camarade
Le sourire, c'est de la peur comptée d'avance
Le sourire
C'est une prescience d'outre-tombe
C'est un peu la tendresse des insoumis
Ce sourire, dis donc!
Qu'est-ce que le sourire en
Dedans de la tête
Comme une ride intelligente?
Quand les rides, ça se
Met à être intelligent
C'est ce qui fait le monde clos

Ni dieu, ni maître, ni code, ni quoi!
Pas vrai, mec?

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