Léo Ferré - Il n'y a plus rien paroles de (lyrics)
[Léo Ferré - Il n'y a plus rien paroles de lyrics]
Il y a comme un balancement maudit
Qui vous met le cœur
À l´heure, avec le sable qui
Se remonte un peu
Comme les vieilles putes qui
Remontent leur peau
Qui tirent la couverture
Immobile l'immobilité, ça dérange le siècle
C´est un peu le sourire de la vitesse
Et ça sourit pas lerche, la vitesse
En ces temps les amants de la mer s´en vont
En Bretagne ou à Tahiti
C´est vraiment con, les amants
Il n'y a plus rien
Camarade maudit, camarade misère
Misère, c'était le nom de ma chienne
Qui n´avait que trois pattes
L´autre, le destin la lui avait mise de côté
Pour les olympiades de la bouffe et
Des culs semestriels qu´elle accrochait
Dans les buissons
Pour y aller de sa progéniture
Elle est partie, Misère, dans des cahots
Quelque part dans la nuit des chiens
Camarade tranquille, camarade prospère
Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi?
Quand tu rentreras dans ta boîte
Rue d´Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu'un dans ton lit
Si tu y trouves quelqu´un qui dort
Alors va-t'en, dans le matin clairet seul
Te marie pas si c'est ta femme qui est là
Réveille la de sa mort imagée
Fous-lui une baffe
Comme à une qui aurait une syncope
Ou une crise de nerfs
Tu pourras lui dire: "Dis
T'as pas honte de t'assumer comme
Ça dans ta liquide sénescence?
Dis, t´as pas honte? Alors qu'il y
A quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs?
Espèce de conne!" et barre-toi!
Divorce la te marie pas!
Tu peux tout faire
T´empaqueter dans le désordre
Pour l´honneur
Pour la conservation du titre
Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir!
Il n´y a plus rien
Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
Parce qu'il se fait chier à
Être blanc, ce nègre
Il en a marre qu´on lui dise: "Sale blanc!"
A Marseille, la Sardine qui bouche le port
Était bourrée d'héroïne
Et les hommes-grenouilles n'en
Sont pas revenus libérez les sardines
Et y aura plus de mareyeurs!
Si tu savais ce que je sais
On te montrerait du doigt dans la rue
Alors, il vaut mieux que tu ne saches rien
Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme
Citoyen!
Tu as droit, citoyen, au minimum décent
A la publicité des enzymes et du charme
Au trafic des dollars et
Aux trafiquants d'armes
Qui traînent les journaux dans la
Boue et le sang
Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
Et si tu veux la prendre
Elle te fera du charme
Avec le vent au cul et des sextants d´alarme
Et la mer reviendra sans toi
Si tu es méchant
Les mots toujours les mots, bien sûr!
Citoyens! Aux armes!
Aux pépées, citoyens! A l'amour, citoyens!
Nous entrerons dans la carrière
Quand nous aurons
Cassé la gueule à nos aînés!
Les préfectures sont des monuments en airain
Un coup d´aile d´oiseau ne
Les entame même pas, c'est vous dire!
Nous ne sommes même plus des Juifs allemands
Nous ne sommes plus rien il n´y a plus rien
Des futals bien coupés sur
Lesquels lorgnent les gosses, certes!
Des poitrines occupées des ventres vacants
Arrange-toi avec ça!
Le sourire de ceux qui
Font chauffer leur gamelle
Sur les plages reconverties et démoustiquées
C´est-à-dire en enfer
Là où Dieu met ses lunettes noires pour ne
Pas risquer d'être reconnu
Par ses admirateurs
Dieu est une idole, aussi!
Sous les pavés, il n´y a plus la plage
Il y a l´enfer et la sécurité
Notre vraie vie n´est pas ailleurs
Elle est ici
Nous sommes au monde, on nous l´a assez dit
N´en déplaise à la littérature
Les mots, nous leur mettons des masques
Un bâillon sur la tronche
A l´encyclopédie, les mots!
Et nous partons avec nos cris! Et voilà!
Il n'y a plus rienplus, plus rien
Je suis un chien? Perhaps!
Je suis un rat rien
Avec le cœur battant jusqu´à
La dernière battue
Nous arrivons avec nos accessoires
Pour faire le ménage dans la tête des gens
Apprends donc à te coucher tout nu!
Fous en l'air tes pantoufles!
Renverse tes chaises! Mange debout!
Assois-toi sur des tonnes d´inconvenances
Et montre-toi à la fenêtre en gueulant des
Gueulantes de principe
Si jamais tu t'aperçois que ta révolte
S'encroûte et devient une habituelle révolte
Alors sors
Marche crève
Baise aime enfin les arbres
Les bêtes et détourne-toi du
Conforme et de l'inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien
Il n'y a plus rienplus, plus rien
Invente des formules de nuit
CLN: C'est la nuit!
Même au soleil, surtout au soleil
C'est la nuit
Tu peux crever les gens ne retiendront
Même pas une de leurs inspirations
Ils canaliseront sur toi leur air
Vicié en des regrets
Éternels puant le certificat d'études
Et le catéchisme ombilical
C´est vraiment dégueulasse!
Ils te tairont, les gens
Les gens taisent l'autre, toujours
Regarde, à table, quand ils mangent
Ils s'engouffrent dans l'innommé
Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont
Vers l'ordure et le rot ponctuel!
La ponctuation de l´absurde, c'est bien
Ce renversement des réacteurs abdominaux
Comme à l'atterrissage: on rote et
On arrête le massacre
Sur les pistes de l'inconscient
Il y a des balises baveuses
Toujours un peu se souvenant
Du frichti, de l'organe, du repu
Mes plus beaux souvenirs sont
D'une autre planète
Où les bouchers vendaient de
L´homme à la criée
Moi, je suis de la race ferroviaire
Qui regarde passer les vaches
Si on ne mangeait pas les vaches
Les moutons et les restes
Nous ne connaîtrions ni les
Vaches, ni les moutons, ni les restes
Au bout du compte
On nous élève pour nous becqueter
Alors, becquetons!
Côte à l´os pour deux personnes, tu connais?
Heureusement il y a le lit: un parking!
Tu viens, mon amour?
Et puis, c'est comme à la roulette: on mise
On mise si la roulette n'avait qu'un trou
On nous ferait miser quand même
D´ailleurs, c'est ce qu'on fait!
Je comprends les joueurs: ils
Ont trente-cinq chances
De ne pas se faire mettre
Et ils mettent, ils mettent
Le drame, dans le couple
C´est qu´on est deux
Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette
Quand je vois un couple dans la rue
Je change de trottoir! Te marie pas
Ne vote pas sinon t´es coincé
Elle était belle comme la révolte
Nous l´avions dans les yeux
Dans les bras, dans nos futals
Elle s´appelait l'imagination
Elle dormait comme une morte
Elle était comme morte elle sommeillait
On l´enterra de mémoire
Dans le cocktail Molotov, il
Faut mettre du Martini, mon petit!
Transbahutez vos idées comme de la drogue
Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains rien dans les poches
Tout dans la tronche!
- Vous n´avez rien à déclarer? - Non
- Comment vous nommez-vous? - Karl Marx
- Allez, passez
Nous partîmes nous étions une poignée
Nous nous retrouverons bientôt
Démunis, seuls
Avec nos projets dans le passé
Écoutez lesécoutez les
Ça râpe comme le vin nouveau
Nous partîmes nous étions une poignée
Bientôt ça débordera sur les trottoirs
La parlote
Ça n'est pas un détonateur suffisant
Le silence armé, c'est bien
Mais il faut bien fermer sa gueule
Toutes des concierges! Écoutez les
Il n´y a plus rien
Si les morts se levaient? Hein?
Nous étions combien? Ça ira!
La tristesse, toujours la tristesse
Ils chantaient, ils chantaient dans les rues
Te marie pas
Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
Et ceux de Mexico bras dessus bras dessous
Bien accrochés au rêve
Ne vote pas
Ô DC-8 des pélicans
Cigognes qui partent à l´heure
Labrador, lèvres des bisons
J'invente en bas des rennes bleus
En habit rouge du couchant
Je vais à l'ouest de ma mémoire
Vers la clarté, vers la clarté
Je m'éclaire la nuit dans le
Noir de mes nerfs
Dans l'or de mes cheveux j'ai
Mis cent mille watts
Des circuit's sont en panne dans
Le fond de ma viande
J'imagine le téléphone dans une lande
Celle où nous nous voyons moi et moi
Dans cette brume obscène au crépuscule teint
Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
Mes circuit's déconnectent
Je ne suis qu'un binaire
Mon fils
Il faut lever le camp comme lève la pâte
Il est tôt lève-toi prends du
Vin pour la route
Dégaine-toi du rêve anxieux des bien-assis
Roule, roule, mon fils, vers l´étoile idéale
Tu te rencontreras, tu te reconnaîtras
Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
La mue ça se fait à
L'envers dans ce monde inventif
Tu reprendras ta voix de
Fille et chanteras demain
Retourne tes yeux au-dedans de toi
Quand tu auras passé le mur du mur
Quand tu auras outrepassé ta vision
Alors tu verras rien!
Il n'y a plus rien
Que les pères et les mères
Que ceux qui t'ont fait
Que ceux qui ont fait tous les autres
Que les "Monsieur" que les "Madame"
Que les assis dans les
Velours glacés, soumis, mollasses
Que ces horribles magasins roulants
Qui portent tout en devanture
Tous ceux à qui tu pourras dire:
Monsieur! Madame!
Laissez donc ces gens-là tranquilles
Ces courbettes imaginées que
Vous leur inventez ces désespoirs soumis
Toute cette tristesse qui se lève le matin à
Heure fixe pour aller gagner vos sous
Avec les poumons resserrés
Les mains grandies par l'outrage
Et les bonnes mœurs
Les yeux défait's par les veilles soucieuses
Et vous comptez vos sous?
Pardon, leurs sous!
Ce qui vous déshonore
C´est la propreté administrative, écologique
Don't vous tirez orgueil
Dans vos salles de bains climatisées
Dans vos bidets déserts
En vos miroirs menteurs
Vous faites mentir les miroirs!
Vous êtes puissants au point de vous
Refléter tels que vous êtes cravatés
Envisonnés
Empapaoutés de morgue et d´ennui dans
L´eau verte qui descend
Des montagnes et que vous vous
Êtes arrangés pour soumettre
A un point donné a heure fixe
Pour vos narcissiques partouzes
Vous vous regardez et vous ne
Pouvez même plus vous reconnaître
Tellement vous êtes beaux
Et vous comptez vos sous en long
En large en marge
De ces salaires que vous
Lâchez avec précision avec parcimonie
J´allais dire "en douce"
Comme ces aquilons avant-coureurs et
Qui racontent les exploit's
Du bol alimentaire
Avec cet apparat vengeur et nivellateur
Qui empêche toute identification
Je veux dire que pour
Exploiter votre prochain
Vous êtes les champions de l'anonymat
Les révolutions? Parlons-en!
Je veux parler des révolutions
Qu´on peut encore montrer
Parce qu´elles vous servent
Parce qu´elles vous ont toujours servis
Ces révolutions qui sont de "l'Histoire"
Parce que les "histoires" ça vous amuse
Avant de vous intéresser
Et quand ça vous intéresse, il est trop tard
On vous dit qu'il s'en prépare une autre
Lorsque quelque chose d'inédit vous
Choque et vous gêne
Vous vous arrangez la veille
Toujours la veille, pour retenir une place
Dans un palace d´exilés, dans un pays sûr
Entouré du prestige des déracinés
Les racines profondes de ce pays, c´est vous
Paraît-il et quand on vous transbahute
D'un désordre de la
Rue, comme vous dites, à un ordre nouveau
Vous vous faites greffer au retour
Et on vous salue
Depuis deux cents ans
Vous prenez des billets pour les révolutions
Vous seriez même tentés d'y
Apporter votre petit panier
Pour n'en pas perdre une miette
N'est-ce pas?
Et les vauriens qui vous amusent, ces
Vauriens qui vous dérangent aussi
On les enveloppe dans un
Fait divers pendant que
Vous enveloppez les vôtres dans un drapeau
Vous vous croyez toujours, vous autres
Dans un haras
La race ça vous tient debout dans
Ce monde que vous avez assis
Vous avez le style du pouvoir
Vous en arrivez même à
Vous parler à vous-mêmes
Comme si vous parliez à vos subordonnés
De peur de quitter votre
Stature, vos boursouflures
De peur qu´on vous montre du doigt, dans les
Corridors de l'ennui, et qu'on
Se dise: "Tiens, il
Baisse, il va finir par se plier
Par ramper"
Soyez tranquilles! Pour la reptation
Vous êtes imbattables
Seulement, vous ne vous la concédez
Que dans la métaphore
Vous voulez bien vous allonger
Mais avec de l´allure
Cette "allure" que vous portez, Monsieur
À votre boutonnière
Et quand on sait ce qu'a pu
Vous coûter de silences aigres
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes
Ce ruban malheureux et rouge comme la honte
Don't vous ne vous êtes jamais
Décidé à empourprer votre visage
Je me demande pourquoi la nature met
Tant d'entêtement tant d'adresse
Et tant d'indifférence biologique
A faire que vos fils ressemblent à
Ce point à leurs pères
Depuis les jupes de vos femmes matrimoniales
Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous
Les dressez à boire dans votre grand monde
A la coupe des bien-pensants
Moi, je suis un bâtard
Nous sommes tous des bâtards
Ce qui nous sépare, aujourd´hui
C'est que votre bâtardise à vous est
Sanctionnée par le code civil
Sur lequel, avec votre permission, je
Me plais à cracher, avant de prendre congé
Soyez tranquilles, vous ne risquez rien!
Il n'y a plus rien
Et ce rien, on vous le laisse!
Foutez-vous-en jusque-là, si vous pouvez
Nous, on peut pas
Un jour, dans dix mille ans
Quand vous ne serez plus là nous aurons tout
Rien de vous tout de nous
Nous aurons eu le temps d'inventer
La Vie, la Beauté, la Jeunesse
Les larmes qui brilleront comme des émeraudes
Dans les yeux des filles
Les bêtes enfin détraquées
La priorité à gauche, permettez!
Nous ne mourrons plus de rien
Nous vivrons de tout
Et les microbes de la connerie que nous
N´aurez pas manqué de nous léguer montant
De vos fumures
De vos livres engrangés dans vos silothèques
De vos documents publics de vos règlements
D´administration pénitentiaire
De vos décrets de vos prières, même
Tous ces microbes juridico pantoufles
Soyez tranquilles!
Nous avons déjà des machines
Pour les révoquer
Nous aurons tout
Dans dix mille ans