Léo Ferré - L'Imaginaire paroles de (lyrics)
[Léo Ferré - L'Imaginaire paroles de lyrics]
De l’ordinateur fidèle, sous
Les mains programmatrices du beau temps
Quand les services météonucléaires
Auront décidé qu’il fera beau demain
Parce que demain le
Pouvoir mettra son chapeau de travers
Parce qu’il aura besoin de
Certaines assurances du
Côté des amibes ou du côté
Des exhalaisons sud- américaines
Ou du côté de ses
Dépendances sexuelles ou financièrеs
Ce qui reviendra au mêmе
Sous les mains programmatrices
Aussi du mauvais temps ou du temps gris
Ou du temps maussade tout cela étant
Absolument prévisible et prévu de
Toute éternité de bande perforée, alors
Ce crépuscule prendra le temps d’en faire
À sa fantaisie et, d’accord avec
Le soleil, avec le vent
Avec les rafales ou le silence
Objectif arrivant des galaxies
Perdues pas pour tout le
Monde et des galaxies
Présentes au bar de l’insouciance
Ou de la déraison
Enfin venue comme de l’an dix mille alors
Ce crépuscule renversera l’admis et
Le conforme, et le comique grandiose fera
Se remanger entre les
Millénaires de conneries morales et
Abjectes, la moralité abjecte, bien entendu
Alors? Alors?
Les chats dessinés sur les bandes télévisées
Prendront leur ombre pour la proie
Les fleurs des champs s’en iront prendre
Un verre de sollicitude chez Interflora
Les camions défait's sur la route
S’appelleront et se videront
De leur incompétence à vouloir
Quand même l’illusion
Les coqs du matin feront la
Sieste le matin et
Laisseront crever les prétentions hormonales
Et économiquement inconsistantes
Les chênes seront toujours savants mais
Le diront et monteront
En chaire dans les forêts
Frileuses et attentives
Les papiers perdus ne le seront pas
Pour eux-mêmes et se reliront entre
Eux en faisant des
Remarques grammaticales aux
Imbéciles qui les auront investis
Les ordures ne seront pas
Qu’obscènes elles imagineront positivement
La pureté évangélique et
Se marreront tranquillement
Les cendriers vides se videront à
Leur tour des obstacles
Cancérigènes et appris dans les
Publicités ignobles et démodées
Le cheval absent du fiacre de
Mon grand-père fera savoir qu’il
Est devenu un oracle du sabot et du bon temps
Le téléscripteur se videra des formules
Chiffrées et s’inventera des décoctions
Shakespeariennes qui feront se retourner
Pompidou dans sa tombe
Et dans les toilettes évidentes qu’il
Avait inventées avant de
Partir du côté du silence admis et vénéré
Toilettes qu’il avait désignées aux doigts
Vengeurs de la culture-sic
Les catastrophes participeront d’un
Terrorisme intelligent et
S’en prenant uniquement aux chefs
Quels qu’ils soient et de préférence
Des États désormais vacants
Les bénédictins sortiront de
Leurs bénédicités
En gueulant fort des complaintes
Qu’on se tapait nous autres aux
Confins de l’odeur du
Sexe, de la vigne et du découragement
Dans les discothèques
Fortuites et cadencées c’est assez
Dire, à la fin, de ce rock t’ fair’ voir
Chez reggae si j’y suis!
L’épouvantail ne sera plus de
Mise on t’épouvantera
Avec l’orgueil des gens de leur race
Cette race qui n’en finit plus de
Se mouiller sous les encres
Fatidiques des imprimeries démodées
Et pourtant présentes marre! Marre! Marre!
Le journal sera un petit malfaisant dans
Les arbres de ta destinée
Chacun ayant son arbre, son code
Des incompris, du qu’en- diront-ils
Du t’en fais pas minette
Je te la ferai en douce
Et en sextant, des fois que
Ton navire, au port
Mouillera tranquillement sous mon objet
Fidèle et conquis
L’éphémère se comptera pour le plaisir: trois
Secondes et je t’emmanche sous l’œil
Du bananier de service, là bas dans
Les Afriques souterraines et complices
Avec du noir aux yeux
Fédéral! bien sûr, et je t’accorderai avec
Ma guitare, le son propre
Tout à fait dans le microprocesseur
De ma fantaisie et
De mon courage à t’immoler quand même dans
Ces USA démodés et multiples autant par la
Farce que par la pâte eh oui!
Fédéral! depuis la cellule anar
Jusqu’au tremblement des
Régurgitations staliniennes et productrices
D’intérêts majeurs
Quelle foutaise! Quelle foutaise!
La ouate se prendra à jeun, le soir, après
Le ramadam et pardi! mon copain de toujours
Tu te la mettras au fond de ta
Gouge, bien huilée des principes gestuels
Surtout quand la fille est écartée
Comme un drapeau sous le vent
Quand elle est fagotée, figurée
Cynique aussi ô la rivière alors qui
S’en ira vers ses désirs
Perdus puis réinventés par le silence
Du temps toujours arrêté
Malgré le quartz de sa montre
Et puis vers l’autre aussi
Qui dégouline à la radio des
Conneries payées et irréversibles
Et les clôtures? Dis donc
Les clôtures et leurs
Images reflétées dans les magazines
Up to date
Dans les cachots de ces mecs qui transitent
Là pour vingt ans ou pour quoi?
Le cocktail Molotov? Il se boira
De préférence à jeun
Aussi et avec une fille dans le ténébreux
Celui qu’on ne
Montre jamais à moins que, s’en servant
On puisse imaginer
Le cinoche provoqué, et on
Le provoquera ce cinoche, parole!
L’angoisse se parlera avec
Des paroles nouvelles
Et venues des magasines surpris
Ces magasines psychia’horreur où
S’entassaient depuis des lustres le style
Et le phrasé de ces
Dérivés de l’autrichienne Freud’sexy
Le copyright se mettra partout
Surtout dans les yeux des passants
Et on pourra les éditer
Sans problème copyright 2000 tous
Droit's de repro
Autorisés y compris les pays fabuleux
Les fables
Nouvelles and co and co and co je te
Tiens bien en vue mon petit! Et
Quant aux yeux introversés
Ils n’auront plus de
Larmes on les aura à l’œil, aussi!
Le philatéliste se fera timbrer chez
Lui, et les timbres, alors, joueront au
Poker d’as avec des croupiers dans les
Oreilles comme ça, au moins
Ils sauront comment se faire
Tamponner le tirage correctement!
La photographie sera l’éternelle
Complainte du
Sourire, des lèvres constellées
Des orages soumis au mieux des
Intérêts du zoom de service
À l’hebdomadaire du dédain et de
La frime enfin conquis
Le Tout-Paris, le Tout-New
York, le Tout-Nomenklatura, le
Tout-First combine and co
Inabordables, comme toujours
Avec dans le fond de la
Glotte et du soubassement
(tu vois c’ que j’ veux
Dire) une désespérance à ne
Pouvoir se faire aborder vraiment
Comme toi et moi, avec l’eau à la bouche et
Le sentiment à la ceinture
Les fables ne seront plus de La
Fontaine elles s’illustreront comme
Tu voudras
Dans l’écran blasé de ta télépreneuse, de
Ta télépenseuse et puis pensante
Alors que le loup se fera
Les ongles dans le supermarché
De la trouille et du
Plastique enfin nucléarisé ouais!
La guenille remplacera le smoking, comme
Ça tu seras seul
Avec quelques autres quand même
Et enguenillés comme toi, au gala de
L’Opéra, avec, au pupitre, la Misère
En vison mâché
Le proxénète fera travailler les ordures
Les ordures feront travailler les
Proxénètes et tout rentrera dans le
Rang, sur les Champs-Élysées
Quand les chars d’assaut descendront leur
Nostalgie en tirant de
Préférence sur les ordures et
Sur les proxénètes
Les maçons seront à l’aise dans leur
Qu’en-dira-t‐on de ciment armé, bien armé
Parmi les mimosas de l’hiver
Côte d’azur des fois
Que le promoteur de service n’aura pas
Fait le nécessaire et l’habituelle
Connerie de commander
Avant de recevoir et c’est lui qui
Partira les jambes en l’air comme pour
Mieux gratter le ciel de
Ces niouviork un peu trop débordant
Ça t’apprendra à promouvoir
Toi tranquillement tanqué dans ta villa
For me alors que ces
Gosses n’en font qu’à leur faim
Et à leur misère, porca miseria!
Les fleuves descendront de
Leurs mississippiques
Prétentions et voudront se présenter
Au glas de l’Union des Rivières
Et du Plasma souterrain
Et de la Biologie contemporaine! C’est
À celui qui descendra le
Premier ces niagaras de la
Défection et du découragement
Les fleuves, bien sûr, ne seront pas
Là je plaisante partis, oui
Partis vers d’autres rêves de continents
Ils mouilleront de fidélité, eux
De fidélité à notre vue perçante et
Fraternelle ils ne seront plus
Là pour nous éviter la honte
De ne pas les reconnaître
Alors les saumons remonteront leurs
Anciens amis avec
Des béquilles et ils mourront sans faire
Ils repartiront peut-être sur des planches à
Billets à la retraite et
Recyclés dans la glissade désespérée des
Demeurés politiques et incompris
Les Présidents? Il n’y en aura plus
Pourquoi? Parce qu’on les aura tous
Descendus en vrac ou en dentelle alors
Le monde ira sans Présidents
Jamais plus! On rencontrera un ancien
Président en lui disant:
Alors, Cher Président et il se
Tirera vite vite fait
En vous priant de croire
En son identité perdue
Moi? Mais je ne suis pas
Là président? Vous voulez rire, non?
Et le courage l’étouffera
Les domestiques seront à la table d’honneur
À côté de ils présideront
Et leurs anciennes employeuses leur
Lisseront le chinchilla
En prenant des précautions de ménopause
Le sang coulant dans la
Mémoire de leur fourchette
Les femmes modèles tiendront Van
Gogh par la main
Et lui panseront l’oreille en allée en se
Disant: "Si j’étais une pute
Il me dessinerait et
Je lui ferais écouter de la musique, et il
Me mettrait son oreille dans ma main, et je
Pourrais la lui rendre" Mais Van Gogh, même
En l’an 10 000, ne sera pas encore connu
Il crèvera à l’envers ou à l’endroit
Ça dépendra des fuseaux horaires et de mc2
Les salopes ne seront plus
Salopes car elles seront
Toutes crevées du moins
Nous l’espérons bougrement
Tout en le prophétisant
Les morales bâtardes ne devront
Rien à personne
Car elles passeront inaperçues dans les rues
Toujours ça de gagné!
Lénine prendra le train une
Dernière fois avant de
Descendre définitivement de ses affiches
Et ira à
Odessa pour acheter un bateau de 1905 que lui
Refilera un metteur en page nommé Potemkine
Les donations se feront désormais entre
Morts, comme ça, au moins
Ça évitera des misères et du temps
Au Code Civil qui s’en
Ira à la pêche chez son ami le Code Pénal
Lundi c’est mardi et puis ce sera aussi jeudi
Et l’autre semaine du dernier
Dimanche avant les
Avatars de l’histoire ancienne et
De la Mère Sorbonne
Lundi ce sera le jour de l’amour
Mardi l’anarchie mercredi la tendresse
Pas trop parce que
C’est souvent la merde aussi jeudi le sourire
Vendredi la paix samedi j’ te fous mon
Billet et dimanche on mangera avec Chaplin
Le five o’clock se prendra à Tokyo dans
Le juste fuseau, hier par exemple, avec
Du corton 64 dans le système D et
Puis du transistor pour ces dames
Juste avant que s’éteigne le dernier néon de
La dernière fleur fanée de seize piges
Les nœuds plutôt marins se déferont avec
Ivresse et les bateaux mouillant au
Port se tireront avec Apollinaire "un
Soir de demi-brume à Londres"
Le cri sera celui de la
Femme, uniquement de la femme
Quand elle joue
À la marelle avec l’abominable besoin de
Vendre son torrent de glycérine
Même pour rien
Les balais s’ajusteront bien, immobiles
Regardant filer les saloperies quotidiennes
Sous l’œil du syndicat de la paille fidèle
L’œil abstrait mais ouvert sur
L’ordure et les bienfait's du repos et
De l’écologie contemporaine
L’anonyme se trouvera facilement on
Le verra courir
Les yeux rougis par un chagrin d’identité
Les pancartes diront où il faut aller: Seul
Planant comme un
Aigle lissant l’azur pendant que
Le charter, à côté, réactivera ses omoplates
L’encyclopédie sera transsexuelle
Les logarithmes lanceront un défi
Aux machines à calculer
Les machines à calculer se tromperont
Et "deux et deux feront
Peut-être cinq" comme disait Dostoïevski
Et ça sera charmant
Les balles tirées sur toi s’arrêteront devant
Toi et la deuxième fois elles
Se feront un devoir de boomerang
Et tu seras le chef
Le brouillard descendra sur la bêtise
Les mandolines joueront le Concerto
Pour violon et orchestre
De Béla Bartók et Béla se fera
Enterrer une deuxième fois à New York en
1945 et ses amis paieront la casse
Le pétrole? Qu’est-ce que c’est?
Les serrures seront interdites
Comme était interdite
L’héroïne au Moyen Âge et pour
Planquer ta marie-jeanne tu n’auras plus qu’à
La sortir à la 1925
Les cheveux à la garçonne et
Le garçon dans l’entrepont
Les banques échangeront quelques coups
D’œil, quelques idées subversives
Enfin! et diront à
Emmanuel Kant de se taper une fille
Au lieu de se masturber
Chaque vendredi, au pied du même
Arbre elles lui placeront, s’il le
Désire, La Critique de la raison
Mandragore quant à la pureté
Il pourra toujours aller à son arbre
Les portes s’entrebâilleront à cause de
L’ennui et mettront leur
Main devant la bouche pour ne pas gêner les
Populations la porte de 68
Mettra son poing devant
La bouche ça lui rappellera de bons souvenirs
L’Énigme proposera une émission à la
Télé: "Dis-moi qui tu
Aimes et je te dirai pourquoi t’es con!"
Les crustacés prendront leur temps pour
S’accrocher à un espoir
Perdu on leur jouera de
La musique dodéCACOphonique, bien entendu!
Mille se verra comme une tonne
De bon sens, enfin, et quand un camion de
35 tonnes le doublera sur l’autoroute
Il pourra
Toujours lui envoyer des oranges mille
Peut-être
Les pickpockets s’habitueront à
Aller sans poches, comme les croupiers ils
Piqueront par contumace
Le laboureur imaginera
La cassation, ce sera un devoir de vertueuse
Connivence avec l’œuf frais dans
Les mains de ta petite fille de dix mois
Le casse? Ce sera un
Devoir de décadente procédure
Avec les cacahuètes quand il
Pleuvra des dollars-or
La critique sera une transsexuelle
Qui couchera avec le
Critique du Figaro un soir de noce
Les exploités polonais seront
Des exploitants de
Leurs exploit's polonais et les exploitants
Seront toujours les exploitants
Des exploit's polonais
Et si t’as pas compris
Tu pourras toujours aller voir Lénine
À Odessa chez l’armateur
Liquider sera un verbe
Simple, première conjugaison
Avec un seul temps: IMPÉRATIF PRÉSENT
Les livres ne se liront plus ils se mangeront
Entre eux à la table des matières
Les inscriptions ne seront
Plus que balnéaires:
Cigît l’imaginaire il s’est noyé il était nu
Priez pour eux!