Léo Ferré - Délires I: Vierge folle / L'époux infernal paroles de (lyrics)
[Léo Ferré - Délires I: Vierge folle / L'époux infernal paroles de lyrics]
Compagnon d'enfer:
"Ô divin Époux, mon Seigneur
Ne refusez pas la confession de
La plus triste de vos
Servantes je suis perdue je suis
Soûle je suis impure quelle vie!
"Pardon, divin Seigneur
Pardon! Ah! pardon! Que de larmes!
Et que de larmes encore plus tard, j'espère!
"Plus tard, je connaîtrai le divin Époux! Je
Suis née soumise à Lui
- L'autre peut me battre maintenant!
"A présent, je suis au fond du
Monde! Ô mes amies! non, pas mes amies
Jamais délires ni tortures
Semblables est-ce bête!
"Ah! je souffre, je crie je souffre
Vraiment tout pourtant m'est permis
Chargée du mépris des plus méprisables cœurs
"Enfin, faisons cette confidence
Quitte à la répéter
Vingt autres fois, - aussi morne
Aussi insignifiante!
"Je suis esclave de l'Époux infernal
Celui qui a perdu les vierges folles
C'est bien ce démon-là ce
N'est pas un spectre
Ce n'est pas un fantôme
Mais moi qui ai perdu la sagesse, qui
Suis damnée et morte au monde
- on ne me tuera pas!
- Comment vous le décrire! Je ne sais
Même plus parler je suis en
Deuil, je pleure, j'ai peur un peu
De fraîcheur, Seigneur, si vous voulez
Si vous voulez bien! "Je suis veuve
- J'étais veuve
- mais oui, j'ai été bien sérieuse jadis
Et je ne suis pas née pour devenir squelette!
- Lui était presque un enfant
Ses délicatesses mystérieuses
M'avaient séduite
J'ai oublié tout mon devoir humain pour le
Suivre quelle vie! La vraie vie
Est absente nous ne sommes pas au
Monde je sais où il va, il le faut
Et souvent il s'emporte contre moi, moi
La pauvre âme
Le Démon! - c'est un Démon, vous savez
Ce n'est pas un homme
"Il dit: "Je n'aime pas les
Femmes l'amour est à réinventer, on le sait
Elles ne peuvent plus que vouloir une
Position assurée la position gagnée
Cœur et beauté sont mis de côté: il ne reste
Que froid dédain, l'aliment du mariage
Aujourd'hui ou bien je vois des femmes
Avec les signes du
Bonheur, don't, moi, j'aurai pu
Faire de bonnes camarades
Dévorées tout d'abord par des brutes
Sensibles comme des bûchers "
"Je l'écoute faisant de l'infamie une gloire
De la cruauté un charme" je suis
De race lointaine: mes
Pères étaient Scandinaves:
Il se perçaient les côtes
Buvaient leur sang
- Je me ferai des entailles partout le corps
Je me
Tatouerai, je veux devenir hideux comme
Un Mongol: tu verras
Je hurlerai dans les rues je veux
Devenir bien fou de rage
Ne me montre jamais de bijoux
Je ramperais et
Me tordrais sur le tapis ma richesse
Je la voudrais tachée de sang partout
Jamais je ne travaillerai "
Plusieurs nuit's, son démon me
Saisissant, nous nous roulions
Je luttais avec lui!
- Les nuit's, souvent, ivre, il se poste
Dans des rues ou dans des maisons
Pour m'épouvanter mortellement
- "On me coupera vraiment le
Cou ce sera dégoûtant" Oh!
Ces jours où il veut marcher
Avec l'air du crime!
"Parfois il parle, en une
Façon de patois attendri, de la mort
Qui fait repentir, des malheureux qui
Existent certainement, des travaux pénibles
Des départs qui déchirent les cœurs
Dans les bouges où nous
Nous enivrions, il pleurait en considérant
Ceux qui nous entouraient
Bétail de la misère il relevait les
Ivrognes dans les rues noires
Il avait la pitié d'une mère
Méchante pour les petit's enfants
- Il s'en allait avec des gentillesses
De petite fille au catéchisme
- Il feignait d'être éclairé
Sur tout, commerce, art, médecine
- Je le suivais, il le faut!
"Je voyais tout le décor don't, en
Esprit, il s'entourait vêtements, draps
Meubles: je lui
Prêtais des armes, une autre figure je
Voyais tout ce qui le touchait
Comme il aurait voulu le créer pour
Lui quand il me semblait
Avoir l'esprit inerte, je le suivais, moi
Dans
Des actions étranges et compliquées, loin
Bonnes ou mauvaises: j'étais sûre de
Ne jamais entrer dans son monde à côté de son
Cher corps endormi, que d'heures
Des nuit's j'ai veillé
Cherchant pourquoi il voulait tant
S'évader de la réalité
Jamais homme n'eût pareil
Vœu je reconnaissais
- sans craindre pour lui
- qu'il pouvait être un
Sérieux danger dans société
- Il a peut-être des secrets pour changer la
Vie? Non, il ne fait qu'en chercher
Me répliquais-je enfin sa charité est
Ensorcelée, et j'en suis la prisonnière
Aucune autre âme n'aurait assez
De force, - force de désespoir!
- pour la supporter
- pour être protégée et aimée par lui
D'ailleurs, je ne me le figurais
Pas avec une autre âme: on voit son Ange
Jamais l'Ange d'un autre
- je crois j'étais dans son âme comme dans un
Palais qu'on a vidé pour ne pas voir une
Personne si peu noble que vous:
Voilà tout hélas! je
Dépendais bien de lui mais
Que voulait-il avec mon
Existence terne et lâche? Il ne
Me rendait pas meilleure
S'il ne me faisait pas
Mourir! Tristement dépitée
Je lui dis quelquefois: "Je te
Comprends" Il haussait les épaules
"Ainsi, mon chagrin se
Renouvelant sans cesse
Et me trouvant plus égarée à ses
Yeux, - comme à tous les yeux
Qui auraient voulu me fixer
Si je n'eusse été condamnée pour
Jamais à l'oubli de tous!
- j'avais de plus en plus faim de sa
Bonté avec ses baisers et
Ses étreintes amies, c'était
Bien un ciel, un sombre ciel, où j'entrais
Et où j'aurais voulu être laissée
Pauvre, sourde, muette
Aveugle déjà j'en prenais l'habitude
Je nous voyais comme deux bons enfants
Libres de se promener
Dans le Paradis de tristesse nous
Nous accordions bien émus
Nous travaillions ensemble
Mais, après une pénétrante caresse
Il disait: "Comme ça
Te paraîtra drôle, quand je n'y serai plus
Ce par quoi tu as passé
Quand tu n'auras plus mes bras sous ton
Cou, ni mon cœur pour t'y reposer
Ni cette bouche sur tes yeux parce qu'il
Faudra que je m'en aille, très-loin, un jour
Puis il faut que j'en
Aide d'autres: c'est mon
Devoir quoique ce ne soit guère ragoûtant
Chère âme"
Tout de suite je me pressentais, lui
Parti, en proie au vertige
Précipitée dans l'ombre la plus
Affreuse: la mort
Je lui faisais promettre qu'il
Ne me lâcherait pas il l'a faite vingt fois
Cette promesse d'amant c'était
Aussi frivole que
Moi lui disant: "Je te comprends"
"Ah! je n'ai jamais été jalouse de
Lui il ne me quittera pas, je crois
Que devenir? Il n'a pas
Une connaissance il ne
Travaillera jamais il veut
Vivre somnambule seules
Sa bonté et sa charité
Lui donneraient-elles droit
Dans le monde réel? Par instants
J'oublie la pitié
Où je suis tombée: lui me rendra forte
Nous voyagerons, nous chasserons
Dans les déserts, nous
Dormirons sur les pavés des villes inconnues
Sans
Soins, sans peines ou je me réveillerai
Et les lois et les mœurs auront changé
- grâce à son pouvoir magique
- le monde, en restant le même
Me laissera à mes désirs, joies
Nonchalances oh! la vie d'aventures
Qui existe dans les livres des enfants
Pour me récompenser, j'ai tant souffert
Me la donneras
Tu? Il ne peut pas j'ignore son idéal
Il m'a dit avoir des regrets
Des espoirs: cela ne doit pas
Me regarder parle-t-il à Dieu?
Peut-être devrais-je m'adresser à
Dieu je suis au plus profond de l'abîme
Et je ne sais plus prier
"S'il m'expliquait ses tristesses
Les comprendrai-je plus
Que ses railleries? Il m'attaque
Il passe des
Heures à me faire honte de tout ce
Qui m'a pu toucher au monde
Et s'indigne si je pleure
"- Tu vois cet élégant jeune homme
Entrant dans la belle
Et calme maison: il s'appelle
Duval, Dufour, Armand, Maurice, que
Sais-je? Une femme s'est dévouée à
Aimer ce méchant idiot:
Elle est morte, c'est certes
Une sainte au ciel
À présent tu me feras mourir comme
Il a fait mourir cette femme
C'est notre sort à nous
Cœurs charitables " Hélas! Il avait
Des jours où tous
Les hommes agissant lui paraissaient
Les jouets de
Délires grotesques: il riait affreusement
Longtemps - Puis, il reprenait ses manières
De jeune mère, de sœur aimée
S'il était moins sauvage
Nous serions sauvés! Mais sa douceur aussi
Est mortelle je lui suis soumise
- Ah! je suis folle! "Un jour peut-être il
Disparaîtra merveilleusement
Mais il faut que
Je sache, s'il doit remonter à un ciel
Que je voie un peu l'assomption
De mon petit ami!" drôle de ménage!